Des espaces de co-working dans les quartiers en crise pour valoriser notre diversité

« Il faut créer des emplois ! ». Tel est le credo de la plupart des élus face à la crise et aux centaines de milliers de chômeurs qui en sont les victimes. Pourtant qui croit encore que quiconque sera en mesure de faire émerger autant d’emplois qu’il y a de chômeurs ?

Ce n’est pas du fatalisme, ni du déclinisme. C’est une position réaliste face à un contexte qui a changé. Ce contexte n’est plus celui des années 1950 où les grandes industries et la croissance se chargeaient d’employer les travailleurs par millions. Ce contexte est celui d’une économie dans laquelle les grands employeurs industriels (métallurgie, automobile, etc.) ont largement déserté notre pays pour s’installer ailleurs.

La recherche de l’attractivité, une stratégie insuffisante

Alors, face à ce qui n’est qu’un constat, nous pourrions nous mettre à rêver sur notre capacité à attirer les grandes entreprises dans notre région. D’ailleurs, les exemples sont nombreux : Toyota à Valenciennes, IBM à Lille, Webhelp à Compiègne, etc.

Pourtant, nous savons que ces implantations ne sont pas suffisantes et ne le seront sans doute jamais pour nous sortir du chômage de masse. La solution au chômage ne peut et ne doit pas rester entre les mains d’acteurs extérieurs : nous, habitants, soyons aussi acteurs de notre nouvelle prospérité.

Investir encore davantage dans la capacité de nos habitants à créer leur propre activité

Alors, pour compléter cette stratégie, il nous semble indispensable d’investir dans nos habitants et dans leur capacité à entreprendre et à créer dans tous les domaines, car ceux qui ont créé le plus d’emplois dans notre région sont les dirigeants de ces entreprises, grandes, moyennes, petites et très petites ou simples indépendants et auto-entrepreneurs.

Pour ce faire, nous savons tous que ces habitants ont besoin de soutien en tous genres : formation, financement, conseil, etc.

Mais ce qui leur manque le plus aujourd’hui encore, ce sont des lieux de travail et de création. Les centres d’innovation tels que l’Imaginarium de Tourcoing ou celui de Compiègne sont des exemples de ce qui se fait de positif sur notre territoire. Cependant, si ces structures portées par les collectivités locales sont nécessaires, elles ne peuvent être suffisantes pour faire face à l’immensité des besoins. Surtout, elles sont très coûteuses et ne peuvent offrir une solution à la masse des individus susceptibles d’être intéressés.

Face à ces espaces créés par l’initiative publique, de nouveaux lieux émergent, appelés « tiers lieux » ou « espaces de co-working ». Ces lieux sont parfaitement adaptés dans leur fonctionnement pour favoriser le travail de ceux qui sont indépendants et peuvent donc contribuer à l’épanouissement professionnel des travailleurs indépendants et des créateurs d’entreprises en tout genre.

Il nous semble enfin important que ces espaces soient prioritairement disponibles là où la crise frappe de manière la plus violente, c’est-à-dire là où les habitants sont au chômage, là où le potentiel créatif et laborieux somnole le plus.

Des espaces de co-working dans les quartiers en crise pour aider leurs habitants à sortir de l’inactivité

Même si les espaces de co-working se développent à une vitesse étonnante[1], ils demeurent souvent trop peu connus. Il faut donc apporter une explication sur ces lieux.

Le co-working est un mode d’organisation du travail, qui consiste, pour plusieurs professionnels, à partager un même espace de travail, et à mutualiser l’utilisation des ressources (électricité, frais de lignes téléphoniques), de l’infrastructure (ex : salles de réunion, visioconférence) ou des services professionnels associés (Wi-Fi, mobilier, gestion du courrier, stockage, assistance informatique, domiciliation). Cette organisation sociale du travail permet également le partage de connaissances, les bonnes pratiques et les expertises de co-workers à co-workers, dans le cadre d’une communauté professionnelle, ou communauté d’entraide. Les espaces de co-working permettent aux co-workers d’utiliser et donc de payer un espace de travail selon l’utilisation qu’ils en font, disponibles sous forme d’abonnement horaire, hebdomadaire ou mensuel pour chaque co-worker. A ce titre, les espaces de co-working peuvent être considérés comme des terrains privilégiés de la création et de l’expérimentation car ils offrent la possibilité aux entrepreneurs de présenter leurs innovations aux co-workers présents. Le partage d’un même espace de travail et d’outils dédiés permet aux co-workers de faire des économies au démarrage de leur projet. On se rend dans un espace de co-working tout d’abord parce que c’est un espace de travail alternatif, c’est une nouvelle manière de concevoir le travail, et le co-worker devient acteur de ce changement.

Travailler dans un espace de co-working, c’est aussi un état d’esprit. Ce qui y est important, c’est avant tout les valeurs communes à l’espace et à ses membres. Il s’agit du partage et de l’entraide, de l’idée selon laquelle la diversité et la mutualisation des moyens fait la force. Une autre composante essentielle du co-working concerne l’appartenance au territoire et l’envie commune de dynamiser et d’impacter positivement son environnement.

Au final, ces espaces de co-working sont des lieux utiles qui permettent de rapprocher le travailleur de son lieu de vie, mais aussi de soutenir une classe d’entrepreneurs qui participent à redynamiser l’économie locale et à engendrer des innovations dans différents modes de création.

L’Atelier Sud, un espace de co-working en projet pour le quartier de Lille-Sud

Comme de nombreux quartiers de notre région, Lille-Sud est un territoire disposant d’une population jeune et dynamique mais où le taux de chômage assez élevé gangrène le potentiel créatif de celle-ci. Avec un bassin d’emploi en inadéquation avec les qualifications de ses habitants, une grande partie d’entre eux aspirent à créer leur propre emploi mais sont confrontés à plusieurs difficultés.

Issus souvent de famille modeste et entretenant avec le monde financier un rapport assez difficile, ils ne bénéficient pas d’une capacité de financement leur permettant de mettre en œuvre leurs initiatives.

Le principal frein à la création dans un territoire comme celui-ci est le coût de démarrage de l’activité, qui peut être parfois très conséquent et qui démobilise rapidement les espoirs des uns et des autres.

On observe aussi que les habitants qui ont la volonté d’entreprendre bénéficient peu ou pas de réseaux leur permettant de développer et/ou d’enrichir leur projet.

L’Atelier Sud permettra aux individus ayant la même envie de créer, d’avoir un lieu dans lequel ils pourront lancer et/ou exercer leur activité.

Faciliter l’émergence de locaux pour le développement du co-working

Dans tous les domaines, le co-working est adapté aux problématiques rencontrées par le travailleur solitaire, ne disposant pas forcément d’une visibilité financière à plus de trois mois, à la recherche de nouveaux contrats, de conseils, etc.

Au final, un espace de co-working ne se décrète pas, car il est le fruit d’une communauté de travailleurs qui mutualisent des services dans un cadre autogéré.

Même si cette autogestion ne nécessite pas d’intervention des pouvoirs publics, ces derniers peuvent néanmoins faciliter le développement de ces lieux en mettant à la disposition de groupes de travailleurs, d’artistes et de créateurs en tous genres des lieux adaptés et aujourd’hui libres.

La multiplication de ces lieux nous permettra d’aider les habitants au chômage à sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent.

[1] Du « Mutualab », en passant par la « Coroutine » à Lille, la « Co-boutique » à Amiens, etc. ces espaces sont de plus en plus nombreux. Le site http://nord.tiers-lieux.org recense les lieux de la région Nord Pas-de-Calais- Picardie.