La localisation des institutions régionales : une question d’aménagement !

Le Gouvernement a décidé en 2014 la fusion des régions Nord-Pas de Calais et Picardie pour faire naître une nouvelle région de 6 millions d’habitants.

Durant l’été 2015, le Gouvernement a choisi Lille comme capitale de ce vaste ensemble territorial, à la grande déception d’Amiens qui avait aussi revendiqué ce titre. L’Etat a par la suite évoqué la répartition géographique de ses services (rectorat, DRAC[1], DREAL[2], etc.) entre Lille et Amiens, largement au bénéfice de cette première.

Hormis la contribution du CESR[3], le débat qui a précédé ce choix a été relativement pauvre et s’est cantonné à la question du titre, alors que nous sommes convaincus que c’est surtout une question d’aménagement du territoire. Ainsi, même si le choix de la capitale a été fixé, il semble que ce débat doit se poursuivre. C’est ce que nous proposons ici.

Pour poursuivre son développement économique, Lille doit libérer du foncier stratégique en son cœur !

La métropole lilloise a le privilège d’accueillir en son centre de nombreuses grandes institutions : le Conseil Général du Nord, le Conseil Régional du Nord Pas-de-Calais, la Métropole Européenne de Lille, la Mairie de Lille, les services de l’Etat, etc. Au total, ce sont des dizaines de milliers de mètres carrés de bureaux et des milliers de fonctionnaires. Ces institutions ont le privilège d’occuper les espaces les plus attractifs d’un point de vue économique, du fait de leur grande proximité avec les deux gares de Lille-Flandres et Lille-Europe.

Alors, avant d’envisager l’implantation du siège du futur Conseil Régional Nord Pas-de-Calais Picardie à Lille, et donc de nouveaux m2 de bureaux et de nouveaux fonctionnaires, nous devons au préalable nous poser une question simple : que veut être Lille ? Une capitale administrative où une capitale économique ?

Si Lille est le territoire le plus à même d’attirer les entreprises du fait de sa position géographique privilégiée, il apparaît évident qu’elle doit axer sa stratégie sur l’accueil de ces entreprises plutôt que sur celui des institutions publiques.

Pour renforcer son statut de capitale économique, Lille a besoin d’étendre Lille Grand Palais, de renforcer son offre de services à destination des entreprises, de densifier son pôle gares, d’offrir des bureaux à proximité de celui-ci pour accueillir les entreprises. Elle n’a pas besoin d’accueillir les services en charge des lycées, des affaires culturelles ou de l’aménagement du territoire du Conseil Régional !

 

Emploi 2011

Pop. 2011

Communauté urbaine d’Arras

54 594

92 329
Communauté d’agglo. Amiens

97 414

175 365

Métropole Européenne de Lille

504 863

1 113 833

Notons par ailleurs que l’agglomération lilloise compte plus de 500 000 emplois dont 170 000 agents travaillant pour les pouvoirs publics de manière directe ou indirecte ! Pour elle, le départ de quelques centaines de fonctionnaires ne serait pas un désastre.

En revanche Amiens et Arras, gagneraient beaucoup à renforcer leur pôle institutionnel. Supprimer des postes à Amiens pour les installer à Lille serait une sottise.

La question de la localisation de la capitale régionale est une question d’aménagement du territoire.

N’ajoutons pas de déplacements domicile- travail supplémentaires vers Lille !

Enfin, Lille connaît aujourd’hui un mal profond, celui de l’encombrement de son réseau routier issu de la forte concentration de l’activité économique et institutionnelle sur son territoire. Cet encombrement commence à constituer un handicap pour son attractivité économique. Alors que nous pouvons maîtriser la localisation de nos institutions publiques, profitons-en pour les installer tant que possible à l’extérieur de la métropole lilloise, afin de ne pas rajouter de flux supplémentaires.

La capitale économique d’un territoire n’est pas nécessairement sa capitale institutionnelle !

Oui, Lille est la capitale économique incontestable de la future grande région. Mais affirmer que ce statut de capitale économique lui confère de facto le statut de capitale des institutions publiques ne constitue en rien un argumentaire solide et crédible.

Regardons simplement les Etats-Unis. Si la grande agglomération de Boston est bien la capitale du Massachusetts, Austin est la capitale du Texas, Sacramento la capitale de la Californie et enfin, Albany, la capitale de l’Etat de New York. L’absence des institutions étatiques n’a pas empêché New York, Houston, Dallas ou encore Los Angeles et San Francisco de devenir des centres névralgiques de l’économie américaine, voire de l’économie mondiale, car ce sont des sujets différents. Par ailleurs, le monde se moque bien que Sacramento soit la capitale de la Californie ! Ce qui compte, ce sont les pôles économiques, touristiques, technologiques !

Lille, une capitale économique avant tout !

Lille, en tant que capitale économique, doit libérer en son centre du foncier pour l’accueil d’entreprises privées et sans doute aussi des institutions publiques spécifiquement en charge des politiques économiques liées à ce rôle de capitale.

Pour le reste, les services de l’Etat et ceux du Conseil Régional peuvent être localisés ailleurs qu’à Lille, sur la base d’un aménagement durable du territoire, c’est-à-dire en privilégiant les territoires qui ont besoin de l’emploi public pour stimuler leur développement économique et urbain.

Une grande région a besoin d’une métropole économiquement forte. Mais réciproquement, Lille ne pourra devenir une grande métropole que si elle dispose d’une région riche et prospère.

De nouvelles institutions régionales moins centralisées !

La nouvelle région est sans doute l’occasion de créer des institutions moins centralisées et moins concentrées sur sa seule capitale.

Pourquoi ne pas répartir les services du Conseil Régional sur plusieurs villes de notre région ! Arras et Amiens disposent d’un patrimoine exceptionnel et pourraient accueillir les services en charge de la préservation du patrimoine ou du tourisme.

Compiègne a investi avec succès dans l’innovation depuis plus de 40 ans via son Université Technologique et plus récemment son centre de l’innovation. Cet atout pourrait encore être renforcé par l’accueil des services du Conseil Régional en charge de la recherche.

Concernant les lycées, il n’y a aucune raison pour que les services techniques se situent à Lille, plutôt qu’à Douai, Valenciennes ou Saint Quentin !

Finalement, même si le titre de capitale régionale a été décerné à Lille, le débat doit se poursuivre.

[1] Direction Régionale des Affaires Culturelles.

[2] Direction Régionale de l’Equipement, de l’Aménagement et du Logement.

[3] Conseil Economique et Social de Région.

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