L’affichage publicitaire en ville : un anachronisme à requestionner ?
Des panneaux publicitaires qui entravent le cheminement des piétons pour faire l’apologie du dernier SUV à la mode ou du menu à 5€ d’une grande chaîne de fast food, et ce dans un contexte de saturation de l’espace public. Incitation à la surconsommation, encombrement des trottoirs… cette situation n’est-elle pas devenue anachronique à l’heure où nous devons trouver des espaces pour adapter nos villes aux défis qui nous font face (végétalisation, rafraîchissement, trottoirs davantage praticables pour tous, pistes cyclables…) ? La question se pose et pourtant nous sommes tellement habitués à la présence de ces « sucettes » qui ont envahi nos trottoirs depuis des décennies que nous avons tendance à les considérer comme parfaitement normales.
Combien ça rapporte ?
Le marché de l’affichage publicitaire, confié à la société Clear Channel, rapporte 1,47 millions € par an. Cela correspond à 0,27% du budget total de la ville qui s’élève à 539 millions € en 2024 (409 millions € pour les dépenses de fonctionnement et 130 millions d’€ pour les dépenses d’investissement). A peine une goutte d’eau…
Mais la mairie a attribué le marché de l’affichage publicitaire en 2023 pour une durée de 12 ans, se liant les mains (et celles de la majorité issue des 2 prochaines élections municipales) jusqu’en 2035. On peut vraiment s’interroger sur le caractère démocratique d’une telle décision qui engagera à ce point la future équipe municipale. Le précédent contrat avait été attribué pour une durée beaucoup plus raisonnable de 4 ans. Il reste bien entendu la possibilité de résilier le contrat actuel mais cela aura forcément un coût…
Analyse coût avantage de l’affichage publicitaire |
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Inconvénients |
Avantage |
Pour les piétons : des contraintes dans les cheminements, en particulier pour les personnes à mobilité réduite
Pour la qualité urbaine : un encombrement visuel, du mobilier peu esthétique Pour les citoyens : une publicité imposée dans l’espace public, de l’incitation à surconsommer : malbouffe, alcool, vols low cost… |
Pour le budget municipal : 1,47 millions € de recettes par an |
Par quoi les remplacer ?
- Certains peuvent être conservés pour de l’affichage municipal ou associatif. Par exemple les panneaux situés sur les arrêts de bus, qui ne gênent pas les cheminements des piétons
- Les panneaux sur les trottoirs pourraient être simplement supprimés afin d’améliorer les cheminements et de désencombrer l’espace public aujourd’hui saturé de panneaux en tout genre (signalisation routière notamment).
- Enfin, certains d’entre eux pourraient être remplacés par des arbres, comme l’a fait Grenoble. Notre ville est trop minérale et on aurait là un gisement intéressant pour verdir et embellir nos rues.
Et ailleurs en France ?
- Grenoble est la première grande ville à avoir supprimé l’affichage publicitaire public en 2015. Elle a poursuivi en 2022 avec cette fois-ci l’interdiction de l’affichage publicitaire dans les espaces privés, soit 117 grands panneaux publicitaires installés dans des espaces privés.
- Bègles a banni la publicité de son centre-ville en 2022
- Nantes a adopté en 2022 un nouveau règlement local de publicité métropolitain qui prévoit la suppression de plus de 1000 panneaux publicitaires. A l’échelle de la Métropole, la publicité est interdite sur 70 % du territoire. Sur les 30 % restants, il est attendu la disparition d’environ la moitié des 3 000 panneaux publicitaires existants.
- La Métropole de Lyon s’est donnée pour objectif de réduire de 60 à 90% des panneaux publicitaires de son territoire. D’autres mesures spécifiques ont été prises : interdiction des panneau publicitaires numériques, des bâches publicitaires de chantier, de l’affichage publicitaires à proximité des écoles, ou encore la diminution des panneaux à 4 m² au lieu de 10.
Enfin, on peut noter ce sondage BVA, commandé par Greenpeace qui concerne cette fois les écrans publicitaires numériques et qui montre que 85% des Français sont favorables à la réduction de leur nombre, et 54% soutiennent même leur interdiction dans l’espace public.
Alors la suppression de l’affichage publicitaire serait-elle souhaitable pour la ville de Lille ? Le débat mérite d’être ouvert.