Pour une prise en charge humaine du patient

Par Nina Gueneau – Sage-femme

De l’état de mal-être à la maladie grave

Au départ, un mal-être qualifié d’état déprimé par son entourage. Puis, l’apparition de symptômes qui poussent à consulter son médecin généraliste. Pour identifier ces symptômes, il faut prendre le temps d’écouter son corps. Or, les activités qui remplissent nos vies (profession, famille, sport, loisirs, etc.) sont autant d’éléments qui empêchent de prendre le temps d’écouter ce corps. Le médecin généraliste effectue les premiers examens qui le conduiront à orienter son patient vers un spécialiste. Pour le patient, c’est l’entrée dans un long processus qu’il ne peut maitriser et pour lequel il devra s’armer de patience. Attendre le prochain rendez-vous. Attendre les résultats des examens. Attendre son tour dans la salle d’attente. Il s’agit, pour le patient, d’accepter cette maladie, d’apprendre à vivre avec, de s’adapter à cette nouvelle vie dans laquelle parfois, il devra réapprendre à se déplacer, supporter la douleur, et trouver sa place quand il ne peut plus travailler.

Ces salles d’attente qui vous tuent !

La salle d’attente devient le passage obligé, presque un rituel. Tout le monde attend sans savoir combien de temps cela va durer. On tente de se rassurer, de se dire que l’autre est probablement plus malade, plus à plaindre. En vain. Il y a souvent un moment, où la tension monte, où l’impatience commence à se faire ressentir. Il y a un moment où la secrétaire, à bout, adopte un ton désabusé à force de répéter la même chose : « oui il y a du retard ! Il y a encore 3 personnes devant vous ». Une mascarade qui n’aide pas le patient. Le rendez-vous est un moment de stress, parfois d’angoisse, dont on craint toujours le pire, tout en gardant l’espoir d’une moins mauvaise nouvelle.

La salle d’attente, c’est aussi parfois une scène glauque, une sorte de cour des miracles, dont les patients sont les figurants avec leurs proches. Il arrive que certains profitent de cet « entre soi » pour « vider leur sac » à un voisin anonyme, presque nécessairement compréhensif et à l’écoute. La maladie est plutôt l’occasion d’un repli sur soi et il est important, vital même, de trouver des occasions de parler, de se livrer, de changer d’air. Il arrive aussi que cette salle d’attente, théâtre de tous les corps abimés, des visages marqués, des esprits tourmentés, soit l’occasion d’un naufrage collectif d’où chacun a envie de repartir en courant, la tête baissée, pour oublier vite ce qu’il a vu des autres et de lui même.

La rencontre avec le corps médical

Face au large corps médical composé de médecins, d’internes, d’infirmières, le patient perd alors la proximité qu’il avait avec son généraliste. Plus encore que le généraliste, le spécialiste jouit d’un statut à part : « En tant que patient, je dois le respecter et être poli si je veux être bien suivi ; il est en retard mais bon, il a dû avoir une urgence ; il ne m’a pas dit bonjour ni même regardé lorsque je suis entré dans la salle de consultation, c’est parce qu’il est fatigué ; il n’a pas répondu à mes questions, c’est parce que ce n’était pas urgent ou pertinent ».

Ce texte doit être l’occasion de rendre hommage aux soignants (médecins généralistes ou spécialistes, sages-femmes, infirmières, aides-soignantes, puéricultrices, kinésithérapeutes ou ostéopathes) qui mettent toute leur humanité au service du patient. Merci à ceux qui prennent le temps de l’explication. Merci à tous ceux qui accueillent le patient avec sourire et empathie. Merci à tous ceux qui prennent le temps de l’écoute et du réconfort.

Cette bascule est souvent mal vécue par l’individu qui perd la proximité du médecin généraliste pour une relation différente, plus technique et protocolaire, plus infantilisante aussi. Est-ce lié au brassage important, à la gravité de la maladie, à une mort diagnostiquée, à un handicap visible, au caractère du praticien ? A l’hôpital, ne préfère t-on pas finalement, comme à l’école, le gentil élève qui fait ses devoirs, qui sourit, ne se rebelle pas, dit merci, accepte qu’on lui dicte ce qu’il doit faire, car c’est bon pour lui et que c’est la seule façon pour lui de s’en sortir ? Ne faut il pas être un « bon patient infantilisé » ?

Les courriers qui parlent de vous

Les examens effectués conduiront l’hôpital à rédiger un certain nombre de courriers permettant aux différents interlocuteurs de communiquer ensemble, par exemple pour l’analyse des résultats d’une IRM. Le patient sera destinataire d’une copie de chacun de ces courriers.

Cher Confrère,

Le dossier de votre patiente Madame Y a été présenté en réunion de concertation pluridisciplinaire des pathologies hypothalamo-hypophysaires le 8/02.

L’IRM cérébrale a été relue par le Docteur W. Les images sont évocatrices d’un kyste de la poche de Rathke qui nécessitera un contrôle de l’IRM hypophysaire dans un an.

Je joins donc à ce courrier une ordonnance pour le contrôle de l’IRM qui pourra être couplé à un bilan en Médecine interne dans le cadre du suivi de sa pathologie.

Restant à votre disposition, je vous prie de croire, cher Confrère, à l’expression de mes sentiments confraternels les meilleurs.

Docteur

 

Un exemplaire au patient et au médecin traitant.

 

Docteur Z / Service X / CHRU

 

ORDONNANCE

 

IRM hypophysaire

Motif : Kyste millimétrique de la poche de Rathke

Résultats à adresser au Docteur M

A la lecture de ce courrier, le patient se retrouvera face à son ignorance, des mots inconnus qui effraient. La tentation sera grande d’aller sur internet pour tenter de comprendre, rechercher les chances de guérison, de survie. Perdu dans les abysses du web, on ne trouve souvent que des raisons supplémentaires pour s’inquiéter.

Mais quelles que soient les réponses collectées, le patient ruminera ses questions jusqu’au prochain rendez-vous avec son médecin : « Comment un nom aussi court mais très compliqué peut être bénin ? Et puis il est déjà allé dans ce pays Rathke ? Moi si. Qui est ce Rathke ? « Finalement, je n’aurais jamais dû lire ce courrier. D’ailleurs, pourquoi m’avoir mis en copie un courrier qui me dit plein de choses mais ne m’explique rien ? ». « Zut ! Ils auraient pu faire un effort d’explication ». Au final, pourquoi le confrère qui n’est pas malade aurait-il droit à une formule de politesse type et pas le patient qui reçoit le même courrier ? La critique est facile, mais il faut admettre que cela pose question.

Alors, imaginons simplement un autre courrier, presque identique, à ceci prêt que le patient y trouve sa place, plus comme un simple numéro de dossier, mais comme un individu à part entière.

Chère Mme Y, Cher confrère,

Le dossier de     Madame Y a été présenté en réunion de concertation pluridisciplinaire des pathologies hypothalamo-hypophysaires le 8/02.

L’IRM cérébrale a été relue par le Docteur W. Les images sont évocatrices d’un kyste de la poche de Rathke qui nécessitera un contrôle de l’IRM hypophysaire autour du 8/02/2016.

Je joins donc à ce courrier une ordonnance pour le contrôle de l’IRM qui pourra être couplé à un bilan en Médecine interne dans le cadre du suivi de sa pathologie.

La patiente peut prendre rdv pour une consultation via notre site Internet : www… ou contacter notre secrétaire au… si elle souhaite avoir des explications.

Restant à votre disposition, je vous prie de croire, cher Confrère, à l’expression de mes sentiments confraternels les meilleurs.

Je vous prie de recevoir Mme Y mes encouragements les plus distingués.

Le Docteur M.

Un exemplaire au médecin traitant.

 

Un suivi médical qui n’évolue pas assez

J’entends déjà : « Alors, c’était donc ça ! Un simple courrier à mettre en forme et une salle d’attente à repenser ? Franchement, il n’y avait pas de quoi en faire un plat ! ».

Si, il fallait en faire un plat ! Ce courrier est juste un révélateur de l’infantilisation du patient qui contribue à en faire un spectateur de sa maladie, qui contribue à le laisser face à ses doutes et ses craintes.

Notre société fait beaucoup pour ses malades. Nos professionnels de santé sont tiraillés entre leur volonté de prodiguer les meilleurs soins et les contraintes que leurs impose le système de santé : réorganisation permanente, modernisation, restrictions budgétaires, surcharge de travail, contrôle, charges administratives, etc. Ces contraintes rendent les professionnels de santé moins disponibles, moins accessibles et les empêchent de développer des soins centrés sur le patient. Cette carence est probablement une des raisons de l’engouement actuel pour les médecines alternatives où la prise en charge du patient est souvent centrale.

Pourtant, jamais nous n’avons eu à notre disposition tant d’outils pour dépister, diagnostiquer, traiter, prévenir, gérer, surveiller, sa santé. Des applications de E-santé, permettent désormais de suivre les principaux indicateurs de son corps (rythme cardiaque, diabète, etc.) à partir de son smartphone. Google et de nombreux autres acteurs du numérique investissent des milliards pour la santé de demain. Qui sait, il sera sans doute possible bientôt de faire une partie des examens et de la consultation à distance, dans le cadre d’une concurrence où le client (pardon, le patient… !) sera roi ! La santé, comme d’autres secteurs de notre économie, ne pourra échapper à une « Uberisation » de nos sociétés. Cette révolution se fera sous l’impulsion des usagers. Il s’agit de faire en sorte que notre système de santé et les professionnels accompagnent ce mouvement émergent.

Des propositions pour améliorer la prise en charge du patient.

Pour améliorer la prise en charge du patient, quelques pistes peuvent être proposées, parce qu’elles sont déjà appliquées (en France déjà parfois ou ailleurs dans le Monde) et parce qu’elles pourraient être plus largement appliquées, ou simplement parce qu’il faut innover pour faire mieux.

→ Moderniser notre système de santé en favorisant l’émergence d’outils numériques (e-santé, m-santé) centrés sur les besoins des patients via des Living Labs.

→Moderniser la prise de RDV des consultations : adresses-mails, sms, rendez-vous via internet.                                                                         Et donc alerter le patient de l’attente éventuelle liée au retard du praticien par SMS permettant au patient et à  ses proches d’occuper le temps d’attente à leur guise.

→Développer l’information et l’éducation du patient (et de ses proches) concernant sa santé et son parcours de soins afin de l’aider à participer activement au processus de soins. Disposer par exemple d’un glossaire en ligne (via Wikipédia par exemple), de vidéos, de forums, et d’autres éléments d’information, validés par des professionnels de santé, et permettant au patient de mieux comprendre les mots qu’il a entendus ou lus concernant sa maladie et les examens qui ont été réalisés.

 

 

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