Le confinement, révélateur d’un système éducatif qui doit évoluer pour s’adapter !
Depuis la fermeture des établissements scolaires, les enfants et leurs parents connaissent des situations très diverses en fonction de la famille.
Certains enfants décrochent
Pour certains enfants, c’est un isolement forcé et une perte totale de repères. Pour ces enfants, l’enseignant est le seul capable d’expliquer les méthodes de lecture ou de calcul, le seul capable de fixer des règles de travail. Ainsi, en l’absence de cet enseignant, l’enfant risque fort de se retrouver en échec scolaire. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet échec.
(1) Un environnement familial qui n’est pas capable d’aider les élèves dans leurs devoirs : des parents qui ne connaissent pas les techniques de lecture ou de calcul pour aider leur enfant, voire qui ne maîtrisent pas la langue.
(2) Un environnement familial qui ne motive pas l’enfant, voire le décourage, parce que cet environnement ne croit simplement pas dans « l’utilité » d’étudier dans un système scolaire qui ne leur a pas apporté l’emploi escompté.
(3) L’absence d’outil informatique qui ne permet pas aux enfants un enseignement à distance imposé par la période de confinement et qui risque de provoquer, ou d’accentuer, le décrochage scolaire.
Pour ces enfants, qui sont largement issus d’un monde défavorisé, la crise est donc aussi le révélateur d’un système qui a échoué à les faire progresser et à les rendre autonome. Ainsi, en période de confinement, et même hors période de confinement, nous devons absolument soutenir ces enfants dans leurs devoirs.
Pour d’autres enfants : un confinement propice à la progression
Pour d’autres, le confinement peut constituer une période très propice à l’apprentissage : des enfants qui vont travailler à leur rythme, voire qui vont prendre davantage de temps et donc approfondir leurs connaissances dans certaines matières. Pour que ce bénéfice se produise, plusieurs conditions sont nécessaires.
(1) La motivation : il faut que les enfants aient la conviction que l’apprentissage est nécessaire, que ce soit pour leur futur ou pour des raisons d’ego personnel, ou qu’ils aient un environnement familial qui les incite, voire les contraint, à étudier sérieusement.
(2) L’encadrement : ces enfants disposent souvent d’accompagnants, familiaux ou non, à la maison ou via internet, qui vont les aider dans leurs devoirs. Cet encadrement est indispensable pour aider, mais aussi pour vérifier le bon déroulement du travail scolaire. L’enfant qui apprend à lire a en effet besoin d’être corrigé et aussi simplement d’être écouté.
(3) Les outils : l’enseignement à distance en mars 2020 ne peut se faire qu’avec un matériel informatique qui constitue l’outil de communication entre les enseignants et les élèves pour une bonne transmission des documents de travail. Certains ajoutent à ces conditions de réussite un espace de travail dédié, condition cependant davantage liée à la capacité de l’environnement familial à créer des temps de silence propice au travail.
(4) Un enseignant motivé et qui maîtrise les outils. Nombreux parents ont été impressionnés par la capacité de leurs enseignants à créer un vrai lien avec leurs élèves à distance, à les motiver, à leur transmettre des travaux clairs avec un calendrier adapté. Mais il est bien évident aussi que les enseignants qui travaillent habituellement uniquement avec des feuilles manuscrites et qui ignorent les réseaux sociaux ont eu plus de difficultés à transmettre les devoirs à leurs élèves à distance. Les échanges avec de nombreux parents montrent des enseignants perdus et surchargés de travail devant une masse de mails à gérer, des documents à créer, etc. Néanmoins, même dans un cadre qui apparaît presque idyllique, certaines familles ont eu beaucoup plus de difficultés, en particulier les familles monoparentales.
Le parent seul, qui plus est s’il travaille à la maison ou ailleurs, a plus de difficulté à suivre le travail de son enfant.
Le confinement : une période de calme dans la tempête scolaire
De nombreux enfants sont tristes d’avoir perdu leurs amis. Ils aimeraient pouvoir rejouer dans la cour de récréation, pouvoir revoir leur amoureux, faire du sport en équipe, écouter les enseignants qu’ils apprécient, montrer leur dernière création de bracelet fabriqué à la maison, raconter des blagues et éclater de rire entre amis. D’autres enfants, au contraire connaissent à la maison un moment de calme et de sérénité, presque de réparation.
Je parle des enfants timides qui n’osent pas s’exprimer à l’école et qui ressentent en permanence la pression de l’institution pour « participer » en classe alors qu’ils n’en ont pas envie ou qu’ils n’osent pas le faire, ou qu’ils ne savent pas comment s’y prendre.
Je parle de ces enfants, harcelés par d’autres enfants et qui se trouvent enfin confinés, non pas pour se protéger d’un virus, mais d’un autre enfant violent et méchant, à leurs yeux beaucoup plus nocif que le COVID. Pour ces enfants-là, le confinement est un soulagement, un moment de bonheur, entouré d’ une famille protectrice.
Je parle de ces enfants épuisés par un rythme de vie délirant qui les poussent souvent, à quitter leur domicile peu après 7 heures du matin, voire avant, pour y revenir parfois vers 19h, avec l’obligation de faire ensuite leurs devoirs. Pour ces enfants, la grasse matinée est un moment privilégiée qui permet de retrouver une hygiène de vie que n’importe quel médecin prescrirait dans un monde normal.
Pour tous ces enfants, le confinement est une bénédiction et le retour en classe sera une immense corvée, un cauchemar.
Pour ces enfants, le confinement est la vie normale et la fin du confinement sera le retour à l’anormalité.
Au final ce confinement est une chance pour les enfants autonomes, autodidactes qui ont plus de facilités à apprendre par eux-mêmes et plus de difficultés à le faire dans un cadre scolaire rigide. Libérés, certains enfants en difficulté, se mettent à lire, font leurs devoirs et apprennent mieux parce qu’inadaptés au monde scolaire.
L’institution face au confinement
L’éducation nationale avait déjà pris conscience de la nécessité de porter son attention sur les jeunes élèves en difficulté en dédoublant les classes de CP et CE1 pour soutenir les enfants qui ont des difficultés et qui ne disposent pas d’un environnement familial propice pour les raisons évoquées ci-dessus.
L’éducation nationale a également fait beaucoup d’efforts pour lutter contre le harcèlement à l’école.
Par ailleurs, l’énergie déployée pour proposer aux enfants des programmes télévisés éducatifs constitue aussi une initiative très positive qui devra perdurer à l’avenir, même s’il est clair que c’est le niveau d’implication des élèves et de leurs parents qui incite les enfants à se connecter sur les chaînes éducatives plutôt que sur Netflix.
Et demain ?
Le retour à la normale, ou à l’anormalité d’une vie qu’on n’aime pas, risque d’être brutal. Brutal pour ceux qui ont aimé ce confinement pour sa légèreté, son calme. Brutal pour ceux qui n’auront jamais réussi à faire leurs devoirs pour toutes les raisons évoquées précédemment et qui auront décroché.
Tous ces éléments doivent nous pousser à mener une réflexion dans plusieurs directions.
D’une part, il apparaît urgent de soutenir les milieux les plus défavorisés pour les aider à reprendre le train de l’éducation scolaire. Pour eux le soutien scolaire intensif doit constituer un objectif majeur, plus encore pendant les périodes de confinement.
D’autre part, il apparaît indispensable de repenser les rythmes scolaires pour les adapter davantage au rythme des enfants. Notre monde n’a pas évolué pour être au service des enfants. S’il existe des enfants privilégiés qui évoluent dans des contextes familiaux favorables ou qui habitent à proximité immédiate des écoles, de trop nombreux enfants vivent au quotidien un étalement urbain qu’ils subissent parce que l’école, le collège ou le lycée sont très loin de leur lieu de vie. Ainsi, l’éducation est aussi une affaire d’aménagement du territoire.
Mobilisons nous pour aider les enfants en difficulté dans leurs devoirs
Pour conclure, nous devons nous mobiliser pour aider les enfants en difficulté à faire leurs devoirs.
L’éducation rend libre ! Libre de construire sa propre pensée. Libre d’obtenir un travail qu’on aime. Pour les familles en difficulté, l’éducation des enfants c’est l’espoir de les voir sortir de la pauvreté, c’est l’espoir de la réussite. Face à cette obligation de la liberté, il y a quantité de citoyens qui ont à la fois du temps et de l’envie pour apporter leur soutien. Bien entendu, de nombreuses associations et centres sociaux proposent du soutien scolaire. Mais la plupart de ces structures ont nécessairement beaucoup de difficultés à poursuivre leur activité pendant la période de confinement.
Surtout, nous sommes convaincus qu’il faut faire plus, beaucoup plus pour que les enfants en difficulté bénéficient de plus de soutien. L’outil numérique qui permet de créer du lien plus facilement et de travailler à distance est un outil idéal qui n’est pas encore assez mobilisé.
Mobilisons nous pour l’éducation de nos enfants !
Thomas Werquin